Les fantômes du passé [Arsinoe]

Plusieurs semaines s'étaient écoulées.
Elle n'avait pas revu Arachitz. Aux dernières nouvelles, il était allé combattre ses congénères, des aliens - qui aurait pu penser qu'il existât une vie au delà des étoiles ! - et avait disparu. Pour la demoiselle aux grandes oreilles, les options étaient tristement réduites. Soit son ami d'enfance avait été capturé et emmené, soit il était...
Non, elle ne voulait pas y penser. Elle préférait croire qu'il avait été enlevé. Il était idiot, mais débrouillard. Il s'en sortirait...
Elle l'espérait. Mais elle ne parvenait pas à se départir de son angoisse pour le jeune homme. Une boule s'était formée dans sa poitrine, rigide, oppressante, d'autant que son Charme recommençait à faire son effet et que certains se montraient insistants à son égard, trop obligeants, trop attentionnés... Alors elle avait décidé de partir. Au cas où, elle avait laissé un mot sur la table. On ne savait jamais...
Le mot était bref.

"Bonjour Ara,
J'espère que tu pourras rentrer et lire ce message... Je suis repartie sur les routes. Vers le sud. Si tu me cherches...
Je suis inquiète pour toi. J'espère que tu est en bonne santé."

Elle avait coincé le mot sous une tasse de terre cuite, vide, qui servait de poids et empêcherait la feuille de s'envoler. Puis elle avait réuni ses bagages - quelques vêtements, quelques vivres, et sa trousse de couture - et avait repris la route à la faveur de la nuit, afin qu'aucun villageois ne l'intercepte.

Elle cheminait à présent depuis plusieurs jours. Elle avait croisé une ou deux fermes, on lui avait gentiment offert un repas et un abris pour la nuit, puis elle était repartie sans s'attarder. Pas trace de civilisation depuis deux jours cela dit, et la demoiselle commençait à attaquer ses réserves de vivres. Elle espérait arriver bientôt à un village ou un hameau, s'y poser quelques jours le temps d'acheter ce qu'il lui faudrait pour continuer sa route. C'était son plan, néanmoins quelque chose devait le mettre à mal...

Ce quelque chose était un squelette. Posé là, au bord de la route, de manière totalement incongrue. Le soleil faisait briller ses os blanchis et faisait naitre un éclat plus vif encore au niveau de ses côtes. Pendant quelques secondes, la Zélodienne resta figée, un sentiment de malaise la prenant à la gorge. Elle retrouva cependant une certaine contenance et s'approcha du vestige, animée d'une curiosité morbide.

" Ce n'est qu'un squelette... Rien de dangereux."

Un millier de questions fourmillaient dans sa tête. Comment avait-il atterri ici ? Comment était-il mort ? Avait-il été seul, ou avait-il eu des compagnons, auquel cas pourquoi personne ne l'avait inhumé dignement ? Il était sur le bord de la route, et elle doutait fort d'être la seule à l'emprunter... Pourquoi personne ne lui avait-il offert d'obsèques ?
Elle était à quelques pas du squelette lorsqu'elle se rendit compte que c'était un bijoux qui brillait ainsi sur sa poitrine. Un simple collier, une chainette qui supportait une base en argent, écrin d'un cristal d'un jaune éclatant.

Arsinoé pencha la tête sur le coté.

Manifestement, le squelette était là depuis un moment... Et personne n'avait pensé à récupérer un objet aussi joli ? Elle tendit légèrement la main, mais retint son geste.
Peut-être que le bijoux avait été précieux pour le Zélodien qui l'avait porté, et était à présent mort. Avait-elle vraiment le droit de le prendre ?
...Il ne s'en servirait plus de toute manière, non ? Et puis, elle pourrait l'enterrer après, par respect pour lui. L'idée de toucher à ces os la répugnait, mais elle ne pouvait pas simplement les laisser ici ! Le seul souci étant qu'elle n'avait pas de pelle, et qu'elle était à un jour de marche du lieu peuplé le plus proche...
Elle était embêtée. Rapidement, la demoiselle regarda autour d'elle à la recherche de quelque chose qui fasse l'affaire. Une écorce, un gros bâton, quelque chose... Heureusement, la route qu'elle empruntait traversait un bosquet, et elle n'eut aucun mal à trouver une branche morte. Bon... Ça allait lui prendre des heures, mais elle avait de quoi enterrer ce pauvre squelette.

Avant de se mettre à creuser cependant, elle céda à une brusque impulsion et se pencha au dessus du squelette pour regarder le pendentif qu'il arborait. Plus étrange encore, elle remarquait qu'il ne portait aucun vêtement. Le tissu avait pu se désagréger, mais là, il n'y avait pas non plus la moindre boucle de ceinture, le moindre bracelet ou autre, non, juste ce pendentif. Vraiment étrange...

Elle s'accroupit à coté du squelette et saisit la chaînette à deux mains, la faisant tourner autour du cou du squelette en s’efforçant de ne pas penser à ce qu'elle était en train de faire. Lorsqu'elle trouva enfin le fermoir, elle l'ouvrit et récupéra le bijoux. Le cristal se logea dans le creux de sa main et elle le regarda un instant, toujours pleine d'interrogations... Qu'avait-il bien pu se passer ici ?